Balles de lavage « écologiques »: la grande arnaque des Gargouilles & consort
Depuis plusieurs mois, vous êtes très nombreux à nous interroger sur des balles de lavage bleues, « économiques » et « écologiques ».
Leur marketing est très agressif, et il est très difficile d’y échapper dès que l’on est identifié comme « intéressé par les questions environnementales » sur les réseaux sociaux. Pas étonnant quand on sait que l’annonceur « Les Gargouilles » a dépensé 585 986 euros pour des publicités sur Facebook. Cette somme en fait le troisième annonceur de France, derrière le Parlement européen et Greenpeace France, mais loin devant Amazon, Leclerc ou Facebook. A cela il conviendra d’ajouter les sommes dépensées sur les autres espaces publicitaires, comme Google Adds.
Gargouilles, Gallinettes, Legenden… de très nombreuses « marques » se positionnent sur le marché florissant des boules de lavage. Toutes utilisent peu ou proue les mêmes arguments et les mêmes visuels. Mais tiennent-elles leurs promesses ? Décryptage.
La promesse
Les balles de lavage sont présentées comme une alternative écologique et économique à la lessive traditionnelle.
Concrètement, il s’agit de grosses boules en plastique remplies de perles de céramique. Leur promesse ? Au contact de l’eau, les perles de céramique vont créer une eau alcaline qui suffira à éliminer les taches, les mauvaises odeurs, et même les bactéries et virus de vos vêtements (!!!). Le tout, pendant au moins 1500 lavages.
Est-ce que ça fonctionne ?
Les boules de lavage ne sont pas une innovation récente. Elles existent depuis des années. Déjà en 2009, Que Choisir publiait le résultat de ses tests :
Les accros des méthodes naturelles vont nous en vouloir, mais leur efficacité est médiocre, à peine meilleure que celle d’un lavage à l’eau. Inutile d’espérer ôter une tache difficile. Les salissures grasses ne se sont pas mieux enlevées que lors des cycles de lavage à l’eau seule.
Extrait du site Que Choisir, 24/03/2009
Depuis, d’autres tests fleurissent sur les réseaux sociaux. En attendant de publier le nôtre, nous vous renvoyons à cette vidéo publiée par Mr Mondialisation en partenariat avec le Youtubeur L’Apprenti Valentin. De nouveau la conclusion est sans appel.
Un Greenwashing décomplexé
L’argumentaire des sites est aussi simple qu’efficace :
« L’alternative saine, écologique, et plus économique que la lessive traditionnelle. »
« En plus de ne pas du tout polluer, nous nous engageons à retirer 300 grammes de déchets plastique pour chaque Gargouille commandée. »
Extrait du site les-gargouilles.com
Des arguments de poids pour qui cherche à réduire l’impact de sa consommation.
« Ne pas du tout polluer »
Outre le fait que la production de plastique soit une industrie extrêmement polluante, quid du mode de fabrication de ces boules de lavage ? Les sites des marques que nous avons évaluées ne donnent aucune indication sur leur lieu de fabrication. Une indication qui semblerait pourtant évidente pour un produit qui vante son « impact zéro pollution ». Imaginons que les boules arrivent d’Asie. Elles partiraient dans vos machines avec un impact sur l’environnement loin d’être neutre !
« Retirer le plastique des océans »
Il semblerait que la société « Les Gargouilles » demande à des associations qui s’occupent déjà du nettoyage des côtes et des océans de mener une action en portant leur tee-shirt, en échange de quoi ils financent le film promotionnel de la journée.
Nous reprendrons ici le témoignage de l’association « Clean my Calanques », qui est engagée dans la défense de l’environnement depuis 2017. Celui qu’ils identifient comme le « patron » de la société Les Gargouilles, leur propose alors 500 euros pour financer une journée de ramassage de déchets, mais cette rétribution est assortie de conditions jugées inacceptables par l’association : l’équipe de ramassage devait exclusivement porter les couleurs de la marque sponsor, ils devaient ramasser deux tonnes de déchets, et réaliser un film pour faire la promotion de ce partenariat. D’après Céline, un tel film coûte environ … 500 euros.
Conclusion ? Une journée blanche pour le ramassage des déchets, mais une belle opération de communication pour la marque commerciale.
Boules de lavage : attention, danger
Le point le plus inquiétant est pourtant ailleurs. Des boules en plastique tambourinant dans une eau chaude pendant 1500 lavages produiront inévitablement des microplastiques. Or il s’agit de l’un des plus grands dangers connus aujourd’hui, tant pour notre santé que pour l’avenir de notre planète.
Qu’est-ce qu’un microplastique ?
“Huit millions de tonnes de plastique finissent dans l’océan chaque année”, rappelle le WWF. Ce plastique se fragmente et se transforme en microplastiques, des particules assez petites pour entrer dans la chaîne alimentaire, en passant par l’eau ou les animaux marins. Les microplastiques sont en outre un vecteur de transport idéal pour des organismes exogènes, mutagènes ou pathogènes susceptibles de dégrader l’écosystème des océans. Comme le précise l’Anses, la taille des microplastiques est comprise entre 5 millimètres et quelques centaines de nanomètres, soit 70 fois plus petit que l’épaisseur d’un cheveu. Ils sont retrouvés partout dans l’environnement : l’air, les habitations, les cours d’eau, la terre mais aussi les océans. L’ensemble des espèces vivantes, des plus petites comme le zooplancton, aux plus grandes comme les baleines, peuvent les ingérer.
Un danger pour la santé humaine
Le WWF a montré en 2019 que via l’eau que nous buvons, et la chaine alimentaire, nous ingérerions l’équivalent d’une carte de crédit par semaine. C’est d’autant plus grave que les plastiques sont non seulement composés de polymères, mais qu’on ajoute lors de leur fabrication des additifs qui confèrent des propriétés au plastique : souplesse, rigidité, résistance au feu, etc. Ces additifs sont de potentiels contaminants chimiques, des perturbateurs endocriniens susceptibles d’avoir des effets sur les fonctions sexuelles, la fertilité ou d’augmenter les risques de cancer.
Nous reviendrons plus précisément sur cette problématique dans un prochain article, mais pour contrer le Greenwashing des boules de lavage et préserver notre santé, et notre environnement, mieux vaut les éviter.
Les boules de lavage : des économies en trompe-l’oeil
L’argument économique avancé par les marques dépend du point de vue selon lequel on se positionne.
Il semble assez évident que le fait de ne plus avoir à acheter de lessive pendant 1500 lavages permet de réaliser des économies substantielles par rapport à son budget habituel. Encore faut-il que le lavage soit efficace…
Car pour s’équiper, il faut compter entre 70 et 100 euros en fonction de la taille de sa machine… et du nombre de boules commandées. Etrangement, le nombre de boules nécessaires varient au fil du temps (il en fallait 4 pour une lessive de 9kg en janvier dernier. Aujourd’hui leur site préconise d’en utiliser 5), mais ce sont les réductions proposées qui nous ont alertés. S’il faut dépenser 35 euros pour une seule balle de lavage, celle-ci passe à 15 euros si vous décidez d’en commander 10. Une réduction énorme pour un produit qui serait conçu de manière à respecter et l’environnement et les équipes qui le fabriquent.
Là se pose la question du modèle économique de ces sociétés : une boule de lavage, à l’unité, est vendue environ 35 euros. Or nous avons trouvé des produits très similaires à 10 euros sur CDiscount, et même à 1 dollars sur Aliexpress !
Au vu de la ressemblance entre ces produits, ces sociétés se contenteraient-elles de faire du dropshipping ?
Le Dropshipping : une pratique légale mais controversée
Le « dropshipping », ou « livraison directe » est une pratique commerciale consistant à vendre des objets qui sont livrés directement du producteur, le plus souvent installé en Chine, au client final.
Concernant les boules de lavage, les stocks sont probablement gérés en Europe, ne serait-ce que pour être emballés aux couleurs de la marque qui le commercialise, mais il est peu probable que les entreprises en question gèrent la chaine de fabrication de leur produit. La ressemblance de toutes les boules de lavage que nous avons étudiées est saisissante : même couleur, même forme, même contenu. Aucun logo n’est apposé sur les boules elles-mêmes. Est-ce qu’un emballage cartonné et un marketing efficace justifient que le prix d’un article soit multiplié par 35 ?
Des fonds d’investissement spécialistes du Greenwashing
Nous ne prendrons ici que l’exemple des Gargouilles, mais cela se vérifie pour d’autres marques.
Les Mentions légales du site précisent que le site les-gargouilles.com est édité par Les Gargouilles, une SAS immatriculée au RCS de Paris depuis mai 2020, et dont le siège social est situé à Paris (75003). Cette adresse est celle d’une domiciliation d’entreprise, soit une adresse administrative et fiscale, mais qui n’héberge aucune équipe.
Leur code APE, qui définit l’activité de l’entreprise, correspond au « commerce de détails spécialisé de produits par Internet ». Autrement dit, cela confirme que la firme ne produit pas de balles de lavage, mais les commercialise.
L’entreprise compte 3 dirigeants :
- Monsieur Gérard Weng, Directeur général délégué depuis février 2021, et par ailleurs directeur de la publication du site les-gargouilles.com
Et surtout :
- LS Investissement, au poste de Président. Il s’agit d’un fond de placement et d’investissement qui agit sous le statut d’une SASU, un statut juridique qui permet à son actionnaire principal de toucher chaque année les dividendes de son placement. Son nom est public, mais ce diplômé d’une grande école de commerce spécialisé dans la production de contenus pour les réseaux sociaux n’y fait jamais référence lorsqu’il s’agit de valoriser son curriculum vitae.
- Super Saiyan Monkey, identifié au poste de Directeur général. Il s’agit d’une société spécialisée dans le « conseil pour les affaires et le conseil de gestion ».
Ces sociétés cachent en réalité deux hommes, co-fondateurs d’une autre entreprise appelée « Angel Studio ». Comme le résume l’un d’entre eux sur les réseaux sociaux, avec Angel Studio, « Nous produisons des créas vidéos engageantes et performantes pour booster votre ROI. ». Autrement dit, Angel Studio vous propose de créer du contenu pour booster vos réseaux sociaux et améliorer votre « retour sur investissement ». En gros, si vous achetez un espace publicitaire sur Facebook, ils vous produiront un contenu suffisamment fort et pertinent pour vous rapporter des followers ou augmenter vos ventes.
CONCLUSION
Les gargouilles.com sont donc une très bonne illustration de leur savoir faire. Cela devrait les aider à trouver des prospects et à développer leur société, Angel Studio.
Mais si votre objectif est de préserver notre environnement et de prendre soin de votre santé, nous vous recommandons plutôt de vous tourner vers des produits Made in France, à la compo clean et super efficace (promis, on met bientôt notre super lessive en ligne !), ou de vous lancer et de la faire vous-même !